Apprendre une disposition de clavier

Apprendre une nouvelle disposition de clavier est un investissement de temps important, qui implique généralement une perte de productivité durant cette période. Heureusement, il existe de nombreux sites ou techniques que l’on peut utiliser pour réduire le plus possible ce temps d’apprentissage !

Après avoir changé neuf fois de disposition de clavier en 3,5 ans (Colemak, puis 8 versions majeures d’Ergo‑L), j’ai compilé dans cet article toutes les techniques que j’ai accumulées au fil du temps pour apprendre un nouveau layout.

Des conseils universels

Avant de voir comment apprendre une nouvelle disposition de clavier, j’aimerais donner quelques conseils pour progresser, qui sont applicables quelle que soit la dispo :

Être léger sur les touches

Ça ne sert à rien d’appuyer fort sur les touches, en utilisant juste la quantité d’effort pour actionner les touches vous utiliserez beaucoup moins d’énergie et ça vous laissera plus de marge pour taper vite par moments. Si vous avez un clavier mécanique, un bon exercice est d’essayer d’actionner les touches sans appuyer à fond (éviter le « bottom out »)

Garder un rythme semi-constant

Ça aide à développer la mémoire musculaire et ça évite de trop rapprocher les frappes entre elles, ce qui peut causer des erreurs de timing.

Utiliser Ctrl+Backspace pour effacer un mot complet en cas d’erreur

Non seulement ça évite de se tromper dans le nombre de caractères à effacer pour arriver à l’erreur (ou pire, d’utiliser la souris), mais ça vous permet de réessayer d’écrire le mot entièrement et de l’apprendre correctement. C’est aussi souvent beaucoup plus efficace que Backspace seul, vu qu’on efface des mots complets – et à haute vitesse, on voit souvent les erreurs tard.

Surtout : soigner la précision !

Bouger les doigts vite c’est rigolo, mais si on fait pleins d’erreurs ça ne sert à rien. On va souvent plus vite en ralentissant les doigts et faisant moins d’erreurs qu’en bourrinant comme un malade mais en faisant une erreur par mot.

Les premiers pas

Ça y est, c’est le grand jour, vous avez décidé d’apprendre une disposition ergonomique. Vous avez installé le pilote, déplacé les touches ou mis des jolis autocollants sur votre clavier pour avoir les nouvelles lettres au bon endroit et vous êtes prêt à vous lancer !

Le clavier « Corne » de l’Ergonaute @Babyforce

Déjà, ça commence mal. Le clavier est magnifique (j’en suis presque jaloux), mais en faisant ça vous allez regarder votre clavier en cas de doute. Ça aide grandement au début, mais ça vous empêche d’apprendre la dispo à l’aveugle – une condition nécessaire pour taper de façon efficace et confortable au clavier.

Si vous avez besoin d’une aide visuelle, on a un cavalier que vous pouvez imprimer et poser sur votre bureau.

Une approche plus saine

Apprendre directement toute une disposition à l’aveugle est très compliqué, c’est pour ça qu’il existe des sites qui vous font travailler seulement une petite partie des lettres disponibles. Il y en a deux que j’aime beaucoup :

Les deux sites fonctionnent de façon similaire : on commence par taper des mots avec quelques lettres, et on rajoute des lettres possibles quand on commence à gagner en confiance. Travailler les « n‑grammes » (enchaînements de n lettres) est parfois recommandé à ce stade, mais d’après mon expérience ils ne sont pas assez variés pour apprendre une disposition efficacement : on apprend les quelques enchaînements demandés plutôt que le layout.

Pour les premiers pas avec une nouvelle disposition, vous pouvez rester dans votre disposition d’origine au quotidien et vous entraîner périodiquement sur le site que vous préférez dans la liste ci-dessus. Il vaut mieux s’entraîner 20–30 minutes par jour pendant une semaine que passer 4 heures sur le site d’un coup. La deuxième méthode va être épuisante et vous risquez de vite oublier votre entraînement (un peu comme étudier la veille d’un examen).

Selon moi, il y n’a pas besoin d’apprendre l’entièreté du layout sur ces sites – les 12 lettres les plus fréquentes suffisent, le reste peut s’apprendre sur le tas –, mais certain·e·s restent jusqu’au bout, souvent pour le challenge, pour travailler la précision ou juste pour gagner en confiance. En général, on passe une semaine ou deux à s’entraîner comme ça.

À ce stade, le plus important est d’apprendre la dispo avec les doigts, pas avec la tête : si vous devez réfléchir à chacune des touches que vous actionnez, vous ne pourrez jamais gagner en vitesse (en plus de vous épuiser mentalement). Ça veut dire essayer de se passer de toute aide visuelle, si possible, et chercher à développer une mémoire musculaire précise — la vitesse viendra plus tard.

Taper comme un singe

Miguel de la série « les as de la jungle »

Une fois que vous avez les bases de la nouvelle dispo dans les doigts, je vous recommande d’aller vous entraîner sur Monkeytype. Ce site permet de s’entraîner sur de nombreux types d’exercices différents, donne des jolies stats à la fin des exercices, et est extrêmement personnalisable – tant pour l’apparence du site que pour les exercices eux-mêmes.

Le type d’exercice en lui-même n’est généralement pas très important, choisissez celui que vous préférez. Comme pour la section précédente, il vaut mieux faire des séances d’entraînement courtes régulièrement que de blinder une journée avec ça.

Personnellement je prefère le mode « words », qui génère un nombre donné de mots aléatoirement. Vous pouvez choisir le nombre de mots, mais aussi le corpus utilisé (dans la section « language » des paramètres) : le corpus par défaut pour le français est assez réduit, sympa pour débuter ou pour tenter un nouveau record, mais « French 1k » est plus intéressant. Vous pouvez aussi activer les nombres et la ponctuations indépendamment du corpus. Dans le cas du mode « words » ça donne des exercices vraiment pas réalistes, mais c’est bien de les travailler de temps en temps.

(Note : Monkeytype a des corpus de code pour plein de langages différents, très pratiques pour bosser les mots-clés courants et les enchaînements de symboles avec AltGr.)

« Gotta go fast ! »

Ci-dessous, je vous ai mis un de mes exercices où j’ai tapé très vite. Ça m’a demandé beaucoup d’effort mais, quand même, 80 mots par minute c’est vraiment rapide ! C’est cool, non ?

Un test où j’ai tapé très vite

Non, c’est à chier. Le score en mots par minute à beau être élevé, la précision est très basse : 90,5 % ça peut paraitre beaucoup, mais ça implique qu’un dixième des frappes au clavier étaient erronées. Ces 10 % d’erreurs m’ont coûté beaucoup plus que 10 % de vitesse, parce que j’ai dû retourner en arrière pour les corriger. On peut d’ailleurs voir sur le graphique que la vitesse brute (ligne bleu foncé) chute fortement autour des erreurs (croix rouges).

La vitesse de frappe va venir naturellement avec le temps, mais la précision, non. C’est important de s’entraîner à taper sans faire d’erreur. C’est pour ça que je pense qu’en dessous de 97 % de précision vous pouvez considérer le test comme un échec. (Il existe une option dans Monkeytype qui empêche de réussir le test quand la précision tombe sous un certain seuil, si vous le souhaitez.)

En bougeant les doigts moins vite, mais en évitant les erreurs et en cherchant à avoir un rythme relativement régulier, vous vous retrouverez à taper aussi vite (voire beaucoup plus !) en faisant une fraction de l’effort. C’est ce qui m’est arrivé dans le test ci-dessous (tapé quelques minutes après celui rempli d’erreurs).

Un test (complètement cherry-pické) où j’ai bougé les doigts moins vite

À ce stade, je vous conseille toujours de n’utiliser la nouvelle disposition que pour les entraînements, et de ne changer de disposition qu’une fois que vous avez pris confiance. 35–40 mots par minute est en général une vitesse amplement suffisante pour le monde réel, mais certain·e·s font le changement plus tôt : on oublie vite sa disposition précédente et ça peut être moins frustrant de taper lentement avec le nouveau layout que de faire des erreurs avec l’ancien.

Vers l’infini et au‑delà !

Ça y est, c’est le grand jour, vous avez décidé d’utiliser votre nouvelle disposition à temps plein. Vous vous sentez à l’aise, vous tapez suffisamment vite, vous avez même quelques jolis screenshots de stats Monkeytype. Bien joué ! Vous avez réussi le plus dur de l’entraînement, mais c’est à partir de là que les exercices deviennent vraiment marrants. Dans cette section, je vais vous montrer quelques entraînements que j’aime beaucoup pour passer vite au niveau supérieur.

Travailler les n‑grammes

— Attends, mais tu disais pas que c’était nul pour apprendre une dispo ?
— Ouais, mais tu l’as apprise, la dispo, et maintenant que tu as une mémoire musculaire précise, travailler les n‑grammes peut aider à la rendre efficace.

Ngram Type et Ngram Type fr sont des très bons sites pour progresser en vitesse. Personnellement, je m’entraîne généralement avec les paramètres ci-dessous (mais n’hésitez pas à adapter la vitesse à vos besoins !), j’essaye de viser 20 WPM au dessus de ce que je tape naturellement pour les trigrammes, et 40 WPM au dessus pour les digrammes.

mes paramètres ngram

Fun fact : la variante francophone de Ngram Type est maintenue par l’Ergonaute @Martin – merci à lui !

Mort subite !

Monkeytype a beaucoup d’options pour rajouter des challenges (souvent pas très sérieux, comme la plupart des options de la « fun box »), mais mon option préférée est de très loin la difficulté « master ». C’est très simple : l’exercice est un échec à la moindre erreur !

C’est une façon redoutablement efficace de travailler la précision parce que ça va vous forcer à trouver une façon de taper sans erreur pendant longtemps. Une fois que vous avez pigé le changement de mentalité et que vous appliquez ça au quotidien, vous allez faire beaucoup moins d’erreurs.

C’est aussi un challenge assez fun : essayer de taper le plus de mots possible sans faire d’erreur. Mon record, c’est 100 mots !

Instant flex ! (C’est mon article, je fais ce que je veux.)

« Je suis quatre univers parallèles en avance sur toi. »

Une autre option de Monkeytype que j’aime beaucoup, c’est « read ahead », qui cache les deux prochains mots qu’on s’apprête à taper. C’est extrêmement déroutant au début, mais le truc qu’il faut comprendre, c’est que ça n’est pas un test de mémoire. Il faut continuer à taper de façon fluide, mais au lieu de taper le mot qu’on est en train de lire, on tape le mot pendant qu’on lit le mot n+2.

Une fois que la gymnastique mentale commence à rentrer, on élimine toutes les pauses entre deux mots (vu que de base on a tendance à lire le mot, se préparer à le taper, le taper très vite, lire le prochain mot…) en exécutant toutes ces tâches en parallèle. Non seulement on tape plus vite, mais ça demande beaucoup moins d’effort pour transcrire ses pensées !

Il y a aussi les variantes « easy » et « hard », qui cachent respectivement 1 mot et 3 mots.

Conclusion (TL;DR)

Vous connaissez donc maintenant ma méthode pour apprendre un nouveau layout. Pour résumer :

  1. On commence par apprendre les bases avec Duck Typist ou Keybr.
  2. On s’entraîne sur Monkeytype quand on prend de l’aisance.
  3. On passe à temps plein sur la nouvelle dispo quand on se sent en confiance.
  4. On rajoute des challenges plus compliqués :
    • des entraînements de vitesse sur les n‑grammes avec Ngram Type et Ngram Type fr ;
    • des entraînements de précision avec le mode « master » de Monkeytype ;
    • des entraînements « taper sans réfléchir » avec « read ahead » de Monkeytype.

Et, pour toutes les dispositions, une bonne technique de frappe implique :

Nuclear Squid